PSAVME XXII
Mon Dieu, mon Dieu,pourquoi mas-tu laissé
Loin de secours, dennui tant oppréssé,
Et loin du cri que je tai adressé
En ma complainte?
De jour, mon Dieu, je tinvoque sans feinte,
Et toutefois ne répond ta voix sainte;
De nuit aussi, et nai de quoi éteinte
Soit ma clameur.
Nos pères ont leur fiance en toi mise,
Leur confiance ils ont sur toi assise,
Et tu les as de captifs en franchise
Toujours boutés.
A toi criant dennui furent ôtés;
Espéré ont en tes saintes bontés,
Et ont reçu, sans être reboutés,
Ta grâce prompte.
Chacun qui voit comme ainsi tu mabats
de moi se moque & y prend ses ébats;
Me font la moue, & puis haut & bas
Hochent la tête.
Puis vont disant: Il sappuie & sarrête
Du tout sur Dieu, & lui fait sa requête:
Donc quil le sauve, & que secours lui prête
Sil laime tant.
Ne te tiens donc de moi si détourné,
Car le péril ma de près ajourné,
Et nest aucun par qui me soit donné
Secours ni grâce.
Et tout ainsi quun lion ravissant,
Après la proie en fureur rugissant,
Ils ont ouvert dessus moi languissant
Leur gueule gloute.
Las! ma vertu comme eau sécoule toute,
Nai os qui nait la jointure dissoute,
Et comme cire en moi fond goutte à goutte
Mon coeur fâché.
Car circuit mont les chiens pour me prendre;
La fausse troupe est venue moffendre;
Venue elle est me transpercer, et fendre
Mes pieds & mains.
Compter je puis mes os du plus au moins,
ce que voyant les cruels inhumains,
Tous réjouis, me jettent regards maints
Avec risée.
Jà ma dépouille entre eux est divisée:
Entre eux déjà ma robe déposée
Ils lont au sort hasardeux exposée
A qui laura.
Seigneur, ta main donc ne séloignera,
Ains par pitié secours me donnera,
Et, sil te plaît, elle se hâtera,
Mon Dieu, ma force.
Sauve de glaive et de mortelle étorce
Mon âme, hélas! que de perdre on sefforce:
Délivre-la, que du chien ne soit morse,
Chien enragé.
...
Si compterai à mes frères fidèles
Ton nom très haut: tes vertus immortelles
Dirai parmi les assemblées belles,
Parlant ainsi:
Vous, craignant Dieu, confessez-le sans si;
Fils de Jacob, exaltez sa merci;
Crains-le toujours, toi dIsraël aussi
La race entière.
Car débouté na lhumble en sa prière
Ni détourné de lui sa face arrière:
Sil a crié, sa bonté singulière
La éxaucé.
Ainsi ton los par moi sera haussé
En grande troupe, et mon voeu jà dressé
Rendrai devant le bon peuple amassé,
Qui te craint, Sire.
...
Cela pensant, tous se convertiront
Les bouts du monde, & à Dieu serviront:
Bref, toutes gens leurs genoux fléchiront
En ta présence.
Car ils sauront quà la divine essence
Seule appartient règne & magnificence,
Donc sur les gens seras par axcellence
Roi conquérant.
Puis leurs enfants à te servir & croire
Sinclineront, et, en tout territoire,
De fils en fils il sera fait mémoire
Du Tout-Puissant.
Clément MAROT
(graphie modernisée)
Mélodie originale:
Psautier de Genève,1542
Harmonisations:
d'après Claude GOUDIMEL
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